Les milliers de moulins à eau qui jalonnent les campagnes de France seraient en danger, menacés par « une destruction programmée », à en croire les dizaines de députés qui se sont levés dans un même élan pour les défendre, mercredi 7 avril à l’Assemblée nationale. De vibrants plaidoyers se sont succédé durant une heure et demie, lors du débat sur le projet de loi climat et résilience, pour faire résonner « les cris des territoires » en faveur d’un patrimoine culturel paré de vertus écologiques grâce à ses retenues d’eau et potentiellement producteur d’hydroélectricité.
Peu importe si le projet de loi ne concerne en rien le bâti historique au bord de l’eau, mais vise les seuils et leurs biefs qui font obstacle à l’écoulement des rivières, empêchant la circulation des poissons migrateurs et l’écoulement des sédiments. L’offensive s’est conclue avec succès, contre l’avis de la ministre de la transition écologique Barbara Pompilli. L’amendement 171 – présenté par treize députés comme un moyen de « définitivement exclure la possibilité de financer la destruction des retenues de moulins » par des crédits publics –, a été adopté à 79 voix pour (dont 26 LR, 21 LRM, 9 Modem et 8 PS), 70 contre et 24 abstentions.
Les parlementaires vont même plus loin avec la réécriture de l’article du code de l’environnement portant sur les ouvrages qui barrent les cours d’eau et canaux. Ces derniers ne devraient plus, sous couvert de continuité écologique, « être remis en cause [dans leur] usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie ». Avec cette disposition, il sera donc impossible d’effacer un barrage, même inutilisé depuis des décennies, ce qui est le cas de la plupart d’entre eux.
« C’est du grand délire ! »
Jacques Pulou, spécialiste de ces questions chez France Nature Environnement (FNE) et vice-président au comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse, peste contre cette régression de l’action de l’Etat en faveur de l’environnement, surgie à l’occasion d’une loi censée la faire progresser. « C’est un incroyable paradoxe : les rivières sur lesquelles l’Etat demande des mises aux normes, soit en les équipant de passes à poissons soit en effaçant l’ouvrage, sont celles qui présentent un statut écologique très bon, bon ou proche d’un bon état, explique-t-il. Vouloir tout mettre sous cloche est contraire aux politiques française et européenne de restauration des rivières ! »
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